Encuentro commemorativo – Un passé pour un présent et un futur

5 Oct 2025 | Actualités

17-19 setiembre 2025

Heredia, Limon, Costa Rica

Je remercie sincèrement l’université nationale mais aussi toutes les organisations ayant facilité cette rencontre ; je remercie spécialement Anabelle qui a déployé toute son énergie pour la coordonner et préparer des journées qui s’annoncent passionnantes.  

Je commencerai, compte tenu du contexte international dans lequel nous sommes et du centenaire de la naissance de Frantz Fanon, par une citation de celui-ci, lue dans le journal intérieur de l’hôpital psychiatrique de St Alban – Trait d’Union n° 138 du Vendredi 6 mars 1953- « Une des choses les plus difficiles pour un homme comme pour un pays est de garder toujours présents sous les yeux les trois éléments du temps : le passé, le présent et l’avenir. Garder ces trois éléments sous les yeux, c’est reconnaître une grande importance à l’attente, à l’espoir, à l’avenir ; c’est savoir que nos actes d’hier peuvent avoir des conséquences dans 10 ans, et donc que nous pouvons avoir à justifier ces actes ; d’où la nécessité pour réaliser cette union du passé, du présent et de l’avenir d’avoir de la mémoire.

Toutefois, la mémoire ne doit pas prédominer chez l’homme. La mémoire est souvent la mère de la tradition. Or s’il est bon d’avoir une tradition, il est aussi agréable de dépasser cette tradition pour inventer le nouveau mode de vie.
Celui qui considère que le présent est sans valeur et que seul le passé doit nous intéresser est, en un sens, un homme à qui il manque deux dimensions et sur lequel on ne peut pas compter. Celui qui estime qu’il faut vivre tout de suite avec le plus de force et que l’on n’a pas à se soucier de demain, ni d’hier, peut être dangereux car il croit que chaque minute est coupée des minutes qui suivent ou qui ont précédé et qu’il n’y a que lui sur cette terre. »
Ces phrases ont retenu mon attention et particulièrement la dernière qui reflète la façon dont certains présidents ou premiers ministres se comportent actuellement avec les peuples. Cette dangerosité nous l’expérimentons tous, entre autres parce que notre réel se confronte aux mensonges d’imposteurs laissant éclater leur rage et leurs désirs de vengeance.

À travers le prisme de leurs mensonges, de leur faille narcissique et de la dangerosité que cela entraîne, les peuples sont devenus acteurs d’une farce macabre.
Le monde dans lequel nous sommes partie prenante est un monde cherchant à tuer, à éliminer tout ce qui se met en travers de son rêve de puissance, de profit par la financiarisation de la vie ? Au point que l’on peut voir, dans la course aux profits, une forme de sexualisation : toujours plus, toujours plus haut pour assouvir le besoin de possession qui ne peut se penser que par la destruction de l’autre, puisqu’actuellement l’autre est devenu celui qui empêche de jouir pleinement de ses profits et de ses possessions ; cet autre revendique attention, réparation, justice sociale et une paix décoloniale tout en exigeant le partage et la redistribution.

Ainsi acquérir toujours plus ne suffit pas en soi ; l’acmé de la possession et de la sublimation serait de n’être plus qu’entre soi, enfin débarrassés de ce peuple qui empêche, qui vient rappeler, à ceux qui transgressent, qu’il y a une éthique de la vie politique à laquelle l’Être doit se confronter s’il veut être perçu ‘humain’ ainsi que le rappelle Fanon dans la phrase déjà citée« Une des choses les plus difficiles pour un homme comme pour un pays est de garder toujours présents sous les yeux les trois éléments du temps : le passé, le présent et l’avenir. Garder ces trois éléments sous les yeux, c’est reconnaître une grande importance à l’attente, à l’espoir, à l’avenir ». Or, ceux qui gouvernent actuellement tuent l’attente, l’espoir et l’avenir au nom de leur jouissance immédiate. Leur jouissance fait plus partie d’une œuvre de destruction que de l’émergence de ce qu’il y a d’humain dans chaque humain ?

Face à cette jouissance fabriquée sur l’idéologie portée par le capitalisme raciste et libéral, les peuples regardent, anéantis et envahis d’une incommensurable honte en l’universalité, la première phase du nettoyage ethnique de Gaza qui se prolonge par celui en Cisjordanie. Quelle sera la nature de l’inconscient collectif si le rêve fou et d’une violence extrême du Président des États-Unis de transformer Gaza en « Riviera » se réalise ? Mais n’avait-il pas le même genre de projet avec Haïti quand il affirmait que « bientôt quelqu’un achèterait Haïti, Haïti est à vendre » ?

Lorsque les bombes tombent sur Gaza, les politiques israéliens pensent-ils que le décompte des morts, le génocide offert par l’Etat israélien au reste du monde fonctionne comme une catharsis ? N’est-ce-pas plutôt comme un enfermement pour nombre de ses supporters dans le fantasme d’un objet du désir qui, une fois le crime commis, les jette dans une perte irréparable ? Rien ne sera possible après. L’Etat israélien a mis à jour, avec ce génocide, sous nos yeux, avec nos silences lors des 15 000 premiers morts, l’idéalisation d’une vérité mensongère.

Les victimes et/ou leurs descendants du génocide que fut la seconde guerre mondiale sont devenus les bourreaux d’un peuple ayant toujours vécu sur cette terre, tout comme le sont aussi devenus tous ceux qui ont aidé à la perpétration de ce crime, en refusant d’actionner un certain nombre de leviers politiques au niveau de la communauté internationale. Il aura fallu attendre près de 35 000 morts Palestiniens pour que certains Etats retrouvent un peu de leur dignité. A plus de 60 000 morts, des Etats européens se réveillent en affirmant vouloir reconnaître l’Etat de Palestine ; espèrent-ils pour la xième fois échapper à leur co-responsabilité de ce génocide alors qu’ils ont derrière eux nombre de crimes coloniaux pour lesquels a été déclarée une impunité juridique grâce à un déni de justice parfaitement colonial ?

Pourquoi face à ce désastre pour l’humanité, des pays, sans aucun état d’âme, aident l’État d’Israël en lui fournissant une aide soit militaire soit financière ?
On ne doit pas ignorer qu’en aidant ou en assistant ce pays, en lui reconnaissant son droit à se défendre alors qu’il est l’occupant, ces pays engagent la responsabilité internationale de leur État et se rendent complices de l’occupation illégale, de la colonisation, de l’apartheid, du nettoyage ethnique en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et sur les territoires où vivent, sous juridiction israélienne, les Bédouins.

Il suffit qu’un Etat tiers fournisse une aide volontaire à la réalisation d’un fait illicite ou à la prolongation dans le temps de cet acte et cela concerne tous les États favorisant, entre autres, leurs entreprises afin qu’elles signent des contrats de ventes de composants ou d’armes à l’État israélien.

Notons que, dans le cas du peuple palestinien et par rapport à l’acte internationalement illicite israélien, sont en cause des obligations considérées comme « essentielles » pour la « communauté internationale tout entière ». Si nous ne voulons pas obérer l’avenir des peuples, l’espoir des peuples, et l’attente infinie du peuple palestinien, il est de l’obligation de l’humain de soutenir celui qui lutte contre une occupation coloniale illégale et pour son droit inaliénable à l’auto-détermination, même s’il commet, ce faisant, des actes de résistance afin de résister à celui qui, pour se venger et surtout pour réaliser ses desseins colonialistes, cherche à éliminer de sa terre tout un peuple.

Aucun peuple humain et digne ne peut soutenir son État s’il aide à commettre, sur une grande échelle, de manière planifiée et systématique, des crimes de génocide et des crimes de guerre. Aucun humain ne doit détourner les yeux de l’amoncellement des corps sous les gravats, pas plus qu’il ne doit refuser de voir l’inhumanité d’un monde se réclamant de la démocratie et des droits humains en regardant les ravages de la famine dans la profondeur des yeux des enfants.

Mais n’est-ce pas trop tard ? Gaza se meurt, Gaza est mise à mort sous les bombes pendant qu’à l’Assemblée générale de l’ONU certains Etats vont reconnaître la Palestine comme Etat alors qu’ils fournissent toujours des armes à l’Etat génocidaire.

Oui, c’est dans cet espace de mort qu’est aujourd’hui la Palestine, son peuple désigné comme ennemi commun fabriqué par les arnaqueurs de la démocratie blanche eurocentrée, raciste, que se joue la fabrique d’une jouissance mortelle. La mort comme fin en soi, la mort que l’on impose à ceux que l’on conteste ; la mort comme mode de gouvernance. C’est de cette jouissance-là dont il faut parler. Trouver la jouissance dans la mort, plus précisément trouver la jouissance en imposant la mort à une population visée n’est-ce pas tout simplement s’imposer à soi-même une mort et surtout se priver, à terme de tout désir de l’autre, de tout « espoir », de tout « avenir », de toute « attente ». C’est se damner sans fin à être son propre bourreau et à n’assouvir son désir non pas avec l’autre mais contre l’autre.

N’est-ce pas ainsi se condamner à errer sur des terres qui ne vous appartiennent pas et à être en permanence le gardien de soi-même tout en perdant son statut de victime si facile à brandir dès lors que vos décisions sont contestées, voire contestables. Après cela qui vous croira ? Qui croira encore en votre monde ?

Avec l’Etat israélien et tous ses soutiens, c’est son rapport au monde et particulièrement à ce monde se vautrant dans la vulgarité de la pensée, se vautrant dans sa blanchitude décadente et pernicieuse qui doit être analysé.
Dans cette fabrique de la jouissance mortelle, ce n’est pas le Hamas qui doit être questionné mais un Etat qui perd tout sens de la mesure au point d’oublier qu’il a participé à la construction du Hamas, aidé dans cette œuvre par les Nord-Américains et qui après avoir joui de son coup dans le talon d’Achille de l’Autorité palestinienne, vient organiser, dans une orgie qu’il imagine ‘salvatrice’ du 7 octobre, le génocide de Palestiniens sans oublier que cette jouissance ne cessera que lorsque le plan d’expulsion définitif de tous les Palestiniens sera réalisé.

L’objectif étant d’éradiquer le vivier du militantisme palestinien des pays du Moyen Orient et de mettre fin au statut de nombreux Palestiniens dotés du droit au retour sur les terres qu’ils ont dû fuir lors de la création d’Israël, en 1948. Netanyahou n’a-t-il pas plusieurs fois répété qu’il fallait le jeter aux oubliettes ?

Cette fabrique de la jouissance est construite sur des instincts de mort, et alimentée par la peur de l’autre, consubstantielle au système de domination. Certes, les dominants n’aiment pas l’Autre mais surtout ils en ont peur, ils le craignent. Une des solutions pour s’en débarrasser est la fabrique de l’ennemi, qu’il soit de l’intérieur ou de l’extérieur, car elle leur offre, par sa mise à mort, orchestrée, montrée en direct, une autre possibilité d’atteindre l’acmé de la jouissance. La déshumanisation des corps considérés comme n’appartenant pas à ceux qui les habitent n’est pas nouvelle, n’est-ce pas ainsi que les auto-proclamés « découvreurs », et les royaumes auxquels ils appartenaient, ont résolu la question d’une force de travail corvéable en affirmant qu’aussi bien les Indigènes que les Africains n’avaient pas d’âme ? Il était, dès lors, possible pour le pouvoir colonial de les arracher à leur continent, de les génocider, de les exécuter sommairement et surtout de les considérer comme des biens meubles, en toute « légale » impunité. Cette impunité contre le droit à la vie pave notre histoire et particulièrement celle des Etats anciennement esclavagistes et colonialistes. Aujourd’hui avec l’avis Trump c. États-Unis, rédigé par le juge Roberts de la Cour Suprême notre monde officiellement retourne vers le futur. Ce juge offre à l’actuel occupant de la Maison Blanche une «immunité pénale présidentielle ». Cette décision place le président des Etats Unis au-dessus des lois et viole le principe de l’état de droit postulant que personne n’est au-dessus des lois. Dès lors se confirme qu’immunité rime avec impunité ! Pour compléter cet incroyable cadeau, destructeur des règles démocratiques de la nation nord-américaine, ce même juge lui offre le contrôle du

ministère de la Justice et du FBI, ce que lui traduit par « J’ai le droit de faire tout ce que je veux. Je suis le président des États-Unis» et «Je dirige le pays et le monde » https://www.youtube.com/watch?v=wjG-cxXiEUg&ab_channel=LCI .
Avec la Palestine, c’est bien le même paradigme de domination coloniale sur les corps qui est mis en place et soutenu par tous les amis de cet Etat meurtrier. On affirme lutter contre la barbarie, on assure que ce ne sont que des animaux, on leur impose d’éternels déplacements, on leur retire toute possibilité de subvenir à leurs essentiels besoins et pour finir on les affame. Rien de nouveau sous le soleil de la démocratie impériale portée par un système capitaliste mortifère qui décide de qui doit vivre ou mourir pendant que les media fourbissent leurs arguments mensongers pour faire avaler à qui le veut bien qu’il n’y a pas d’alternative si on veut sauver le monde blanc. N’est-ce d’ailleurs pas ainsi qu’ont été justifiées aussi bien la mise en esclavage que la colonisation qui a suivi les abolitions ?

Ces événements fondateurs du système capitaliste actuel ont été possibles uniquement par la volonté du Pape Nicolas V qui voulait étendre la religion chrétienne à l’ensemble du monde ; ainsi dès 1452, avec la Bulle, Dum Diversas (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dum_Diversas) , il autorise le roi du Portugal, Alphonse V, à réduire tout « Sarrasin (ou musulman), païen ou tout autre non-croyant au christianisme » à une condition d’ « esclavage perpétuel ». Sera ainsi lancée la course vers le « nouveau monde » qui sera confortée par la promesse que ces terres deviendront de facto propriétés du roi Alphonse par la publication d’une autre Bulle, la Bulle Inter Caetera (https://mjp.univ-perp.fr/traites/1493bulle.htm) précisant que ce roi « a justement et légitimement acquis et possédé, et possède, ces îles, terres, ports et mers, et ils sont de droit et appartiennent au dit roi Alphonse et à ses successeurs»https://graphsearch.epfl.ch/fr/concept/2116323.

Cette doctrine de la découverte prendra son essor à partir de 1492 et ce système de prédation avec sa gestion de la mise en esclavage de millions de personnes suivie par sa gestion des ‘nouveaux libres’ dès le début des abolitions et surtout par la gestion d’une justice de race et de classe permettant au système capitaliste libéral d’appauvrir toujours plus le peuple en créant la catégorie de « Non-Être », ce que Frantz Fanon aborde entre autres dans Peau noire, masques blancs[1], particulièrement par la problématique de la « désaliénation du Noir (qui) implique une prise de conscience abrupte des réalités économiques et sociales » (ibid) et en ajoutant que « l’aliénation du Noir n’est pas une question individuelle. (ibid)».

Il s’agit bien d’une question politique collective que le système refuse, avec force, de traiter comme telle, en niant la politique des doctrines successives de la colonisation et du colonialisme et en réduisant et ces choix et leurs conséquences à des anecdotes prétendant faire histoire.
A ce sujet, il y a bien un pays qui doit demander des comptes à ces pouvoirs hégémoniques et colonisateurs c’est Haïti ; depuis son indépendance acquise au prix d’une lutte, enter autres contre la France, colonisatrice, cette dernière a eu l’outrecuidance de faire payer le prix de cette libération par l’imposition d’une dette illégale. Puis les Etats Unis occuperont cette première République noire et partiront avec tout l’or contenu dans les banques haïtiennes. Mais ce n’est pas assez, les anciens colonisateurs participeront au choix des présidents grâce au rôle que jouera l’institutionnalisation des gangs dans l’espace politique haïtien, ce qui favorisera la corruption. Voilà l’opportunité pour les anciens colons de remettre la main sur ce qui est supposé leur appartenir. La libération de Haïti était une erreur, elle doit revenir dans le giron des colons ! et la Société des Nations puis l’ONU ont toujours été le cheval de Troie des colonisateurs dans la lutte pour les indépendances des pays aspirant à leur émancipation. Nous connaissons la suite…

Même l’aide doit être remise en question. Que signifie aider un pays comme Haïti ? Pour l’instant, l’ONU agit selon les souhaits des « amis » d’Haïti, (Etats-Unis et Core group), qui

veulent que les gangs mettent fin à leurs activités meurtrières. Ainsi, en août dernier les Etats Unis ont offert 5 millions de dollars à toute personne procurant des renseignements facilitant l’arrestation de Jimmy Chérizier, dit Barbecue, chef de gang alors que les Etats Unis savent pertinemment que les armes viennent de la Floride ! L’ONU, quant à elle, l’avait déjà inscrit en octobre 2022 sur le tout nouveau régime de sanctions de l’ONU contre les bandes armées haïtiennes (interdiction de voyage, gel des avoirs, embargo ciblé sur les armes) ; que dit de notre monde ce deux poids deux mesures quand des autocrates et génocidaires sont libres de leurs mouvements ? Seul le contrôle sur ce qui reste des ressources naturelles du pays intéressent les « amis d’Haïti » tout comme ils préfèrent que ce pays continue d’être la plaque tournante du trafic de drogue entre la Colombie, les Etats-Unis et l’Europe.

Rappelons-nous aussi du rôle joué par cette institution dans la gestion du tremblement de terre avec l’importation du choléra par des casques bleus venant du Népal. Si l’ONU a reconnu sa responsabilité, aucune réparation n’a été donnée aux familles des quelques 30 000 morts.
Les ignominies s’accumulent et la plus grande victime, outre le peuple, est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la souveraineté politique. La seule préoccupation du système financier est de faire régner la doctrine de « la loi et de l’ordre » pour que les bénéfices arrivent sans encombre aux actionnaires.

Haïti est au monde colonial ce que la Palestine est au monde libéral actuel. Notre monde devrait comprendre que ce qu’il est possible d’infliger à ces pays souverains le sera pour d’autres. La règle de l’hégémonie, basée sur les rapports de force dans les relations internationales, est la dérégulation, la délégitimation et la déstructuration.

Il va de soi que l’une des conséquences directes du fait internationalement illicite est qu’il existe à la charge de tous les sujets de droit international l’obligation de réparation. La réparation, qui consiste dans l’obligation d’effacer les conséquences du fait internationalement illicite, apparaît avant tout comme un mécanisme de sanction de la violation du droit international.

Le principe de l’obligation de réparation est une figure profondément ancrée en droit international. Selon la Cour permanente de Justice internationale, « le principe essentiel qui découle de la notion d’acte illicite … est que la réparation doit autant que possible effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis… »[2]. Mais en ce domaine tout est aussi basé sur une notion de principe régi par les rapports de force…

Exiger des réparations devrait être un des éléments devant assurer l’émancipation des peuples ; cela devrait constituer le combat commun des forces de rupture luttant contre la colonialité du pouvoir qui fait main basse sur le droit aussi bien international que national. La dignité de millions de personnes et la souveraineté de très nombreux peuples est à ce prix. Les peuples, et particulièrement celui de Palestine, ne peuvent plus supporter que leur souveraineté soit préemptée par les tenants de l’ordre libéral mondial.

Il s’agit, par les réparations, de mettre un terme à la pérennisation d’un système de soumission et d’exploitation dont le modèle fut imposé à de nombreux peuples du sud à partir de 1452 et qui irrigue toujours les rapports et les relations que la Modernité et l’eurocentrisme imposent, quel que soit le niveau où cela se joue.

Prenons l’espace caraïbe et de l’Amérique du sud, les Etats, dans le cas des agriculteurs revendiquant la terre, usent, pour masquer les graves disparités nées de la mise en esclavage et du colonialisme, du mythe de l’égalité citoyenne et du droit alors que les propriétaires terriens ont acquis les terres par le vol et le crime, resté impuni et en dehors de tout droit.

Les réparations obligent à redéfinir le cadre à partir duquel les droits humains doivent être partagés et à s’éloigner des références qui ont drainé avec elles crimes contre l’humanité, génocide, vol, guerre et les mensonges s’y référant … Il est dès lors intéressant de lire la première constitution française[3] tout comme à la déclaration d’indépendance des Etats unis. L’une affirme la liberté et l’égalité des droits entre tous les citoyens, ce qu’avait déjà garanti la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen[4], entre temps des millions de personnes sont passées à la trappe. Mis en esclavage, ils sont exclus de tout droit et c’est sur ce second mensonge que s’est bâtie d’une part la nation française et d’autre part, sa réputation en tant que ‘patrie des droits de l’homme’. L’autre, dans sa Déclaration d’indépendance[5], souligne que « nous tenons pour évidentes (…) les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux, ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ». Pour autant le maintien en esclavage de tous ceux qui y étaient déjà n’a ni cessé ni ne s’est réduit entre cette déclaration et l’abolition finale[6]. Bien au-delà de l’abolition, cette idéologie de la domination a perduré, les Etats unis sont ensuite passés aux lois Jim Crow[7] qui ont installé un nouvel ordre social puis une justice qui ne punit toujours pas les crimes commis contre les jeunes Afro-américains, organisant ainsi une impunité des forces de l’ordre et renforçant le racisme structurel, élément commun à tous les anciens pays colonisateurs. Michelle Alexander, dans New Jim Crow Law[8], file la métaphore des lois Jim Crow au regard de l’enfermement massif comme moyen de contrôler, de surveiller et de punir les Afro-américains par un enfermement massif, en lieu et place de politiques culturelles et sociales. Se continuent, par l’emprisonnement massif, la déshumanisation et l’indignité introduites par la mise en esclavage, puis par le colonialisme et par le capitalisme libéral qui ne sait que faire de tous les exclus dont le nombre ne cesse d’augmenter.

Ce mensonge ontologique qui continue de gangréner la perception de ce que devrait être l’humain vient du pouvoir que les Européens blancs ont imposé par l’installation d’un manichéisme moral reposant sur l’appréhension de l’humain par la ‘race’. Cela a été développé à un tel niveau que c’est à partir de cette croyance que s’est organisé le monde social, empêchant par tous les moyens possibles que l’homme, à peine sorti de sa condition de mis en esclavage, ne puisse ni questionner le monde ni devenir agent de transformation de ce monde et encore moins résister à l’infériorité institutionnelle dans laquelle les dominants le maintiennent.

Les dominants finiront leur mise au pas du monde en construisant, au sortir de la seconde guerre mondiale, un discours sur les droits humains, moral et compassionnel, qui donnera naissance à la Déclaration universelle des droits de l’homme[9]. Malgré cet instrument et les nombreux autres qui suivront, dont les deux Pactes internationaux de 1966, les damnés ne cesseront jamais d’être maintenus dans une aliénation structurelle. Les droits humains fonctionnent comme une injonction paradoxale, pour ce faire, les dominants, à l’égard des peuples, savent jouer de cette injonction contenue dans le premier article commun aux deux Pactes internationaux, avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Injonction car le monde occidental, après les abolitions, n’a jamais voulu questionner les aspects inhumains de la société criminelle dans laquelle se sont inscrites la colonisation, la mise en esclavage et le colonialisme. Ils ont refusé, avec passion, de regarder l’inhumanité de leurs actes, et avec une irrésistible ardeur ils ont tout mis en œuvre pour cacher leur pensée mortifère, Il fallait sauver les fondements du capitalisme en organisant l’impunité C’est ainsi que tout naturellement ces deux crimes se sont poursuivis par le colonialisme, avec la perpétuation de crimes tout aussi graves, qui se déclinent aujourd’hui sous de nouveaux habits que sont le néocolonialisme et le libéralisme dont le système financier et la militarisation du monde sont les garants.

Pour cette raison, des instruments qui devraient trouver un usage universel ne sont que des wishfull thinking qui permettent d’autoriser ou de justifier une violence structurelle et un racisme institutionnel, unique moyen pour garder le contrôle sur les colonisés et les damnés.

C’est ainsi qu’à partir de la situation historique des Caraïbes, si l’on veut penser l’humain debout, l’humain, homme nouveau au sens défendu par Frantz Fanon, on n’a pas d’autre moyen que de questionner le concept hégémonique de l’humain porté par des siècles de mise en esclavage, de colonialisme, d’obligation et de soumission.

Il faut admettre que ce n’est que lorsque « la violence qui a présidé à l’arrangement du monde colonial », ainsi que le souligne Frantz Fanon, « (…) et qui a rythmé inlassablement la destruction des formes sociales indigènes, démoli (…) les systèmes de références de l’économie, les modes d’apparence ; sera revendiquée et assumée par le colonisé au moment où décidant d’être l’histoire en actes la masse colonisée s’engouffrera dans les villes interdites[10] » que l’on pourra enfin penser aux conditions garantissant à l’humain de vivre dans une humanité humaine.

La première obligation est de décoloniser le discours enfermant et jamais effectif sur les droits humains et particulièrement celui mis en place depuis les abolitions. La liberté des nouveaux « libres » s’est traduite par le maintien de l’ordre établi, l’obligation de travailler et la reconnaissance, sans faille, à l’égard de la République émancipatrice et surtout par l’obligation d’oublier le passé. C’est de l’effacement de ce passé dont il s’agit dans les différentes déclarations et autres instruments normatifs internationaux porteurs, de mesures rendant possible sa restriction dans différents domaines et contextes.

Sans oublier qu’au sortir de la mise en esclavage et du colonialisme, la justice a été une justice à part, et surtout à la marge du droit commun. Il ne s’agit pas de rendre ces Déclarations plus morales ou plus justes mais de réfléchir, sous l’impulsion des damnés, à une définition nouvelle de l’humanité à partir de la perception que les colonisés, les damnés ont de l’humanité. C’est bien toute la matrice coloniale qu’il faut déconstruire pour faire émerger des rapports sociaux exempts de la référence ethno raciale et faire émerger une humanité, pensée hors des lignes de force imposées par la Modernité. Où l’homme pourra être en relation avec l’homme où qu’il se trouve, parce que les conditions décoloniales lui permettront de s’extraire, collectivement, de la zone du Non-Être

Ceux qui tuent, pillent, volent, mutilent, expulsent, doivent enfin comprendre que la normalisation de leur mode de vie est en urgence absolue. De cette jouissance, de leur jouissance nous n’en avons jamais voulu, encore moins maintenant qu’auparavant. Nous voulons jouir dans la découverte de l’Autre, dans l’Amour de l’Autre, mais cela ne pourra advenir que par une rupture épistémologique et ontologique du rapport de vérité à l’Autre, non dans le mensonge qui nous est imposé depuis 1492.

Leur temps orgiaque se termine ; à nous de nous réveiller et de résister pour construire le monde du Vous, où l’on peut toucher l’Autre ; le paradigme de leur mort coloniale jouissive sera aboli ; on ne peut plus se contenter, comme ce modèle nous l’impose, de faire semblant de remplacer le vice par leur vertu. On sait que celle-ci ne sert que leur appareil de domination. Face à cette alternative mortifère, il ne reste à l’humain que l’engagement par la conscience de la fragilité du monde.

C’est à ce titre que Frantz Fanon interpelle et l’engagement et la responsabilité collective. Il ne s’agit pas d’agir pour agir, mais d’agir en conscience, en lien avec les autres. Cela fait vingt ans que je travaille dans le cadre de la Fondation Fanon, Frantz Fanon n’est pas seulement un psychiatre-chercheur dont on peut argumenter à partir de sa réflexion théorique, c’est un compagnon de lutte. On peut l’intégrer dans nos combats, pour penser l’après. Fanon ne fournit pas de modèle, comme le marxisme. Il offre une méthode : tirer plusieurs fils à la fois, penser en actions, faire dialoguer les pensées, déconstruire les récits nationaux, remettre en cause la modernité eurocentrée, replacer au cœur la question noire et l’héritage de la traite et de la christianisation forcée, penser l’Afrique comme l’élément indépassable d’un monde humain. Fanon invite à réparer un crime fait à l’humanité. Lorsqu’il engage à « toucher l’autre, aimer l’autre », il nous apprend à reconstruire le lien humain, là où l’Occident a appris à jouir de l’élimination de l’autre. Son projet est celui d’un monde nouveau centré sur l’humain – avec l’autre, et non contre lui. C’est cela, l’homme nouveau qu’il appelle de ses vœux.

[1] Peau noire, masques blancs, Seuil, Paris, 1952.

[2] Cour Permanente de Justice Internationale, Usine de Chorzow, Arrêt du 13 sept. 1928 , Série A, no. 17, p. 47.

[3] 4 juillet 1776

[4] 26 août 1789

[5] Déclaration d’Indépendance, 1777, https://www.state.gov/wp-content/uploads/2020/02/French-translation-U.S.-Declaration-of-Independence.pdf

[6] 1865

[7] De 1875 à 1964

[8]  2010, The New Press

[9] 1948

[10] Les damnés de la terre, Frantz Fanon, Petite collection Maspero, 1961

English version :

I would like to express my sincere gratitude to the national university and all the organizations that facilitated this meeting. I would especially like to thank Anabelle, who put all her energy into coordinating and preparing for what promises to be an exciting few days.

Given the current international context and the centenary of Frantz Fanon’s birth, I will begin with a quote from him, taken from the internal journal of the St Alban psychiatric hospital – Trait d’Union No. 138, Friday, March 6, 1953:

« One of the most difficult things for a man, as for a country, is to keep the three elements of time constantly in view: the past, the present, and the future. To keep these three elements in view is to recognize the great importance of expectation, hope, and the future; it means knowing that our actions yesterday may have consequences in 10 years’ time, and therefore that we may have to justify those actions; hence the need for memory in order to achieve this union of past, present, and future.

However, memory must not predominate in man. Memory is often the mother of tradition. While it is good to have tradition, it is also good to go beyond tradition to invent new ways of living.

Those who consider the present to be worthless and believe that only the past should interest us are, in a sense, people who are missing two dimensions and cannot be relied upon.

Those who believe that we should live life to the fullest right now and not worry about tomorrow or yesterday can be dangerous, because they believe that each minute is separate from the minutes that follow or precede it, and that they are the only ones on this earth.”

These sentences caught my attention, particularly the last one, which reflects the way some presidents or prime ministers are currently behaving towards the people. We are all experiencing this danger, among other things because our reality is confronted with the lies of impostors giving vent to their rage and desire for revenge.

Through the prism of their lies, their narcissistic flaws, and the danger that this entails, people have been cast in a ghastly farce. Are we living in a world bent on killing and eliminating whatever stands in the way of its dream of power and profit, driven by the financialization of life? To the point that we can see, in the race for profits, a form of sexualization: always more, always higher to satisfy the need for possession that can only be achieved through the destruction of the other, since currently the other has become the one who prevents us from fully enjoying our profits and possessions; this other demands attention, reparation, social justice, and decolonial peace, while also demanding sharing and redistribution.

Thus, acquiring more and more is not enough in itself; the pinnacle of possession and sublimation would be to be among ourselves, finally rid of those people who stand in our way, who remind those who transgress that there is an ethic of political life that the Being must confront if it wants to be perceived as ‘human’, as Fanon reminds us in the sentence already quoted: “One of the most difficult things for a man, as for a country, is to keep the three elements of time constantly in view: the past, the present, and the future. Keeping these three elements in mind means recognizing the great importance of expectation, hope, and the future. » However, those who currently govern are killing expectation, hope, and the future in the name of their immediate pleasure. Is their pleasure more a work of destruction than the emergence of what is human in every human being?

Faced with this pleasure engineered by the racist liberal capitalism ideology, people watch, consumed by immeasurable shame in the face of universality, as the first phase of ethnic cleansing in Gaza continues with that in the West Bank. What will be the nature of the collective unconscious if the crazy and extremely violent dream of the President of the United States to transform Gaza into a “Riviera” comes true? But didn’t he have the same kind of project with Haiti when he said that “soon someone will buy Haiti, Haiti is for sale”?

When bombs fall on Gaza, do Israeli politicians think that counting the dead, the genocide offered by the Israeli state to the rest of the world, acts as a catharsis? Isn’t it rather like imprisoning many of its supporters in the fantasy of an object of desire which, once the crime has been committed, throws them into irreparable loss? Afterwards, nothing will be possible. With this genocide, the Israeli state has revealed, before our very eyes, with our silence during the first 15,000 deaths, the idealization of a false truth.

The victims and/or their descendants of the genocide that was World War II have become the executioners of a people who have always lived on this land, as have all those who helped perpetrate this crime by refusing to pull certain political levers at the international community level. It took nearly 35,000 Palestinian deaths for some states to regain a little of their dignity. With more than 60,000 deaths, European states are waking up and saying they want to recognize the State of Palestine. Are they hoping, for the umpteenth time, to escape their shared responsibility for this genocide, when they have a history of colonial crimes for which they have been granted legal impunity thanks to a perfectly colonial denial of justice?

Why, in the face of this disaster for humanity, are countries unhesitatingly helping the State of Israel by providing it with military or financial aid?  We must not ignore the fact that by helping or assisting this country, by recognizing its right to defend itself when it is the occupier, these countries are engaging their state’s international responsibility and becoming complicit in illegal occupation, colonization, apartheid, and ethnic cleansing in the West Bank, the Gaza Strip, and the territories where Bedouins live under Israeli jurisdiction.

It is sufficient for a third State to provide voluntary assistance in the commission of an unlawful act or in the prolongation of that act, and this applies to all States that encourage, among other things, their companies to sign contracts for the sale of components or weapons to the Israeli State.

It should be noted that, in the case of the Palestinian people and in relation to Israel’s internationally unlawful act, the obligations at stake are considered “essential” for the “international community as a whole.” If we do not want to jeopardize the future of peoples, the hope of peoples, and the endless wait of the Palestinian people, it is the duty of humanity to support those who are fighting against illegal colonial occupation and for their inalienable right to self-determination, even if, in doing so, they commit acts of resistance in order to resist those who, out of revenge and above all to achieve their colonialist aims, seek to eliminate an entire people from their land.

No human and dignified people can support their state if it helps to commit, on a large scale, in a planned and systematic manner, war crimes and genocide. No human being should look away from the heaps of bodies beneath the rubble, nor should they refuse to see the inhumanity of a world that claims to uphold democracy and human rights when looking into the eyes of children ravaged by famine.

But is it too late? Gaza is dying, Gaza is being bombed to death, while at the UN General Assembly some states are recognizing Palestine as a state even as they continue to supply weapons to the genocidal state.  

Yes, it is in this space of death that Palestine is today, its people designated as a common enemy fabricated by the swindlers of Eurocentric, racist white democracy, that the factory of deadly pleasure is played out. Death as an end in itself. Death imposed on dissenters. Death as a mode of governance. It is this pleasure that we must talk about. Finding pleasure in death, more precisely finding pleasure in imposing death on a targeted population, is it not simply imposing death on oneself and, above all, depriving oneself, in the long run, of any desire for the other, of any “hope,” of any “future,” of any “expectation”? It is to condemn oneself endlessly to being one’s own executioner and to satisfy one’s desire not with the other but against the other. Is this not condemning oneself to roam endlessly across lands that will never be yours and to be constantly the guardian of oneself while losing one’s status as a victim, so easy to brandish when one’s decisions are contested or even questionable? After that, who will believe you? Who will still believe in your world? With the Israeli state and all its supporters, it is its relationship to the world, and particularly to this world wallowing in vulgarity of thought, wallowing in its decadent and pernicious whiteness, that must be analyzed. In this factory of deadly pleasure, it is not Hamas that should be questioned, but a state that has lost all sense of proportion to the point of forgetting that it helped build Hamas, aided in this endeavor by the North Americans, and that, after enjoying its blow to the Achilles heel of the Palestinian Authority, is now organizing, in an orgy it imagines to be the “salvation” of October 7, the genocide of Palestinians, without forgetting that this pleasure will only cease when the plan for the definitive expulsion of all Palestinians is realized.

The aim is to eradicate the breeding ground for Palestinian militancy in Middle Eastern countries and to end the status of many Palestinians who have the right to return to the lands they were forced to flee when Israel was created in 1948. Has Netanyahu not repeatedly said that it should be consigned to oblivion? This factory of pleasure is built on death instincts and fueled by fear of the other, which is consubstantial with the system of domination. Of course, those in power do not like the Other, but above all they fear them. One of the solutions to get rid of them is to create an enemy, whether internal or external, because by orchestrating their death and showing it live, it offers them another opportunity to reach the height of pleasure. The dehumanization of bodies considered not to belong to those who inhabit them is not new. Was this not how the self-proclaimed “discoverers” and the kingdoms to which they belonged resolved the question of a labor force that could be exploited by claiming that both the Indigenous peoples and the Africans had no soul? It was then possible for the colonial powers to uproot them from their continent, commit genocide against them, summarily execute them, and above all, consider them as movable property, with complete “legal” impunity. This impunity against the right to life paves our history, particularly that of the former slave states. Today, with Supreme Court Justice Roberts’ Trump v. United States opinion, our world officially returns to the future. This judge offers the current occupant of the White House “presidential immunity from prosecution.” This decision places the President of the United States above the law and violates the principle of the rule of law, which states that no one is above the law.  This confirms that immunity rhymes with impunity! To top off this incredible gift, which destroys the democratic rules of the North American nation, the same judge gives him control of the Department of Justice and the FBI, which translates to “I have the right to do whatever I want. I am the President of the United States” and “I run the country and the world.”

With Palestine, it is indeed the same paradigm of colonial domination over bodies that is being implemented and supported by all the friends of this murderous state. They claim to be fighting against barbarism, they assure us that they are nothing but animals, they impose endless displacement on them, they deprive them of any possibility of providing for their basic needs, and finally they starve them. Nothing new beneath the blazing sun of imperial democracy, driven by a deadly capitalist system that decides who should live or die, while the media hones its false arguments to convince anyone who will listen that there is no alternative if we want to save the white world. Is this not how both slavery and the colonization that followed its abolition were justified?  These events, which laid the foundations for the current capitalist system, were only made possible by the determination of Pope Nicholas V, who wanted to spread Christianity throughout the world. Thus, in 1452, with the papal bull Dum Diversas, he authorized the King of Portugal, Alfonso V, to reduce any “Saracen (or Muslim), pagan, or any other non-believer in Christianity” to a condition of “perpetual slavery.” This marked the beginning of the race to the “New World,” which was reinforced by the promise that these lands would be divided between the two kingdoms of Spain and Portugal. pagan or any other non-believer in Christianity“ to a condition of ”perpetual slavery.“ This launched the race to the ”New World, » which was reinforced by the promise that these lands would become de facto property of King Alfonso through the publication of another bull, the Inter Caetera Bull, specifying that this king “has justly and legitimately acquired and possessed, and possesses, these islands, lands, ports, and seas, and they are rightfully and belong to the said King Alfonso and his successors.”

This doctrine of discovery took off in 1492, and this system of predation, with its management of the enslavement of millions of people, followed by its management of the “newly freed” from the beginning of abolition, and above all by the management of a justice system based on race and class, allowed the liberal capitalist system to impoverish the people even further by creating the category of “Non-Being,” which Frantz Fanon discusses in Black Skin, White Masks[1], particularly through the issue of the “de-alienation of Black people (which) implies an abrupt awareness of economic and social realities” and adding that « the alienation of Black people is not an individual issue. »

This is indeed a collective political issue that the system vehemently refuses to treat as such, denying the politics of successive doctrines of colonization and colonialism and reducing these choices and their consequences to anecdotes that claim to be history. 

In this regard, there is one country that must hold these hegemonic and colonizing powers to account: Haiti. Since its independence was won through struggle, including against France, the colonizer, the latter had the audacity to make Haiti pay the price for its liberation by imposing an illegal debt. Then the United States occupied this first black republic and left with all the gold contained in Haitian banks. But that was not enough. The former colonizers participated in the selection of presidents thanks to the role played by the institutionalization of gangs in Haitian politics, which encouraged corruption. This was an opportunity for the former colonizers to regain control of what they believed belonged to them. The liberation of Haiti was a mistake; it must return to the fold of the colonizers! The League of Nations and then the UN have always been the Trojan horse of the colonizers in the struggle for independence of countries aspiring to emancipation. We know what happened next…

Even aid must be questioned. What does it mean to help a country like Haiti? For now, the UN is acting according to the wishes of Haiti’s “friends” (the United States and the Core Group), who want the gangs to end their murderous activities. Last August, the United States offered $5 million to anyone providing information leading to the arrest of Jimmy Chérizier, known as Barbecue, a gang leader, even though the United States knows full well that the weapons come from Florida! The UN, for its part, had already included him in October 2022 in the brand new UN sanctions regime against Haitian armed gangs (travel ban, asset freeze, targeted arms embargo). What does this double standard say about our world when autocrats and genocidal leaders are free to move about as they please? The only thing that interests the “friends of Haiti” is control over what remains of the country’s natural resources, just as they prefer this country to continue to be the hub of drug trafficking between Colombia, the United States, and Europe. Let us also remember the role played by this institution in the management of the earthquake, with the importation of cholera by peacekeepers from Nepal. Although the UN acknowledged its responsibility, no compensation was given to the families of the 30,000 or so people who died. The ignominies are piling up, and the biggest victims, apart from the people, are the right of peoples to self-determination and political sovereignty. The financial system’s only concern is to enforce the doctrine of “law and order” so that profits flow unhindered to shareholders.  Haiti is to the colonial world what Palestine is to today’s liberal world. Our world should understand that what can be inflicted on these sovereign countries will be inflicted on others. The rule of hegemony, based on the balance of power in international relations, is deregulation, delegitimization, and destructuring.

It goes without saying that one of the direct consequences of an internationally wrongful act is that all subjects of international law are under an obligation to make reparation. Reparation, which consists of the obligation to eliminate the consequences of the internationally wrongful act, appears above all as a mechanism for sanctioning violations of international law. The principle of the obligation to make reparation is deeply rooted in international law. According to the Permanent Court of International Justice, « the essential principle which derives from the concept of an unlawful act […] is that reparation must, as far as possible, eliminate all the consequences of the unlawful act and restore the situation which would probably have existed if the act had not been committed […] « [2]. But in this area, everything is also based on a notion of principle governed by the balance of power…

Demanding reparations should be one of the elements ensuring the emancipation of peoples; it should be the common struggle of the forces of change fighting against the coloniality of power that disregards both international and national law. The dignity of millions of people and the sovereignty of many peoples depend on it. Peoples, and particularly the Palestinian people, can no longer tolerate their sovereignty being preempted by the defenders of the liberal world order. Reparations are a means of putting an end to the perpetuation of a system of subjugation and exploitation, the model for which was imposed on many peoples of the South from 1452 onwards and which still permeates the relationships and relations imposed by modernity and Eurocentrism, whatever the level at which this occurs.  Take the Caribbean and South America, for example. In the case of farmers claiming land, states use the myth of citizen equality and rights to mask the serious disparities created by slavery and colonialism, while landowners acquired land through theft and crime, which went unpunished and outside the law.

Reparations require redefining the framework within which human rights must be shared and moving away from references that have led to crimes against humanity, genocide, theft, war, and the lies associated with them. It is therefore interesting to read the first French constitution[3], as well as the United States Declaration of Independence. One affirms the freedom and equality of rights among all citizens, which had already been guaranteed by the Declaration of the Rights of Man and of the Citizen[4], while millions of people have fallen by the wayside. Enslaved, they were excluded from all rights, and it was on this second lie that the French nation was built on the one hand, and on the other, its reputation as the “birthplace of human rights.” The other, in its Declaration of Independence[5], emphasizes that “we hold these truths to be self-evident: that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable rights; that among these are life, liberty, and the pursuit of happiness.” However, the enslavement of all those who were already slaves neither ceased nor diminished between this declaration and the final abolition[6]. Well beyond abolition, this ideology of domination persisted, and the United States then moved on to the Jim Crow laws[7], which established a new social order and a justice system that still does not punish crimes committed against young African Americans, thus organizing impunity for law enforcement and reinforcing structural racism, a common feature of all former colonizing countries. Michelle Alexander, in The New Jim Crow[8], extends the metaphor of the Jim Crow laws to mass incarceration as a means of controlling, monitoring, and punishing African Americans through mass imprisonment, rather than cultural and social policies. Mass incarceration perpetuates the dehumanization and indignity introduced by slavery, then by colonialism and liberal capitalism, which does not know what to do with the ever-increasing number of excluded people.

This ontological lie, which continues to poison perceptions of what it means to be human, stems from the power that white Europeans imposed by establishing a moral Manichaeism based on an understanding of humanity through “race.” This has been developed to such an extent that it is on the basis of this belief that the social world has been organized, preventing by all possible means that humans, barely out of their condition of enslavement, can neither question the world nor become agents of transformation of this world, and even less resist the institutional inferiority in which the dominant classes keep them.

The dominant classes completed their subjugation of the world by constructing, at the end of the Second World War, a discourse on human rights, morality, and compassion, which gave rise to the Universal Declaration of Human Rights[9]. Despite this instrument and the many others that followed, including the two International Covenants of 1966, the wretched have never ceased to be kept in structural alienation. Human rights function as a paradoxical injunction, and to this end, those in power know how to play on this injunction contained in the first article common to both International Covenants, with the right of peoples to self-determination.

This was necessary because, after abolition, the Western world never wanted to question the inhumane aspects of the criminal society in which colonization, enslavement, and colonialism took place. They passionately refused to look at the inhumanity of their actions, and with irresistible fervor they did everything they could to hide their deadly thinking. The foundations of capitalism had to be saved by organizing impunity. Thus, quite naturally, these two crimes continued through colonialism, with the perpetuation of equally serious crimes, which today take on new forms in the guise of neocolonialism and liberalism, guaranteed by the financial system and the militarization of the world.

For this reason, instruments that should be universally applicable are nothing more than wishful thinking that allows structural violence and institutional racism to be authorized or justified, the only means of maintaining control over the colonized and the wretched.

Thus, based on the historical situation in the Caribbean, if we want to think about humanity standing tall, humanity as a new man in the sense defended by Frantz Fanon, we have no choice but to question the hegemonic concept of humanity shaped by centuries of slavery, colonialism, obligation, and submission. We must admit that it is only when “the violence that presided over the arrangement of the colonial world,” as Frantz Fanon points out, « […] and which relentlessly punctuated the destruction of indigenous social forms, demolished […] the reference systems of the economy, the modes of appearance; will be claimed and assumed by the colonized when, deciding to be history in action, the colonized masses rush into the forbidden cities[10] that we will finally be able to think about the conditions that guarantee humans a life of human dignity.

The first obligation is to decolonize the restrictive and ineffective discourse on human rights, particularly that which has been in place since abolition. The freedom of the newly “free” has resulted in the maintenance of the established order, the obligation to work, and unwavering recognition of the emancipatory Republic, and above all, the obligation to forget the past. It is the erasure of this past that is at stake in the various declarations and other international normative instruments, which contain measures making it possible to restrict it in different areas and contexts.   It should not be forgotten that in the aftermath of slavery and colonialism, justice was a separate justice, and above all, on the margins of common law. It is not a question of making these Declarations more moral or more just, but of reflecting, under the impetus of the wretched, on a new definition of humanity based on the perception that the colonized, the wretched, have of humanity. It is indeed the entire colonial matrix that must be deconstructed in order to bring about social relations free from ethno-racial references and to bring about a humanity conceived outside the lines of force imposed by modernity.  Where man can relate to man wherever he is, because decolonial conditions will allow him to collectively extract himself from the zone of Non-Being.

Those who kill, pillage, steal, maim, and expel must finally understand that the normalization of their way of life has become a global emergency. We have never wanted this pleasure, their pleasure, even less so now than before. We want to enjoy discovering the Other, loving the Other, but this can only happen through an epistemological and ontological break with the relationship of truth to the Other, not through the lie that has been imposed on us since 1492. Their orgiastic time is coming to an end; it is up to us to wake up and resist in order to build the world of You, where we can touch the Other; the paradigm of their colonial death of pleasure will be abolished; we can no longer be content, as this model imposes on us, to pretend to replace vice with their virtue. We know that virtue only serves their apparatus of domination. Faced with this deadly alternative, all that remains for humans is to commit themselves to an awareness of the fragility of the world.

It is in this spirit that Frantz Fanon calls for collective commitment and responsibility. It is not a question of acting for the sake of acting, but of acting conscientiously, in connection with others. I have been working with the Fanon Foundation for twenty years. Frantz Fanon is not just a psychiatrist and researcher whose theoretical thinking can be used to support arguments; he is a comrade in arms. We can incorporate him into our struggles to think about the future. Fanon does not provide a model, like Marxism. He offers a method: pulling several threads at once, thinking in terms of actions, bringing thoughts into dialogue, deconstructing national narratives, questioning Eurocentric modernity, placing the black question and the legacy of the slave trade and forced Christianization back at the heart of the debate, and thinking of Africa as an indispensable element of the human world. Fanon invites us to repair a crime against humanity. When he urges us to “touch the other, love the other,” he teaches us to rebuild human bonds where the West has learned to enjoy the elimination of the other. His project is that of a new world centered on the human—with the other, not against them. This is the new man he calls for.


[1] Black Skin, White Mask, Grove Press, Paris, 1967.

[2] Chorzów Factory Case, Germany v. Poland (1927) P.C.I.J., Ser. A, No. 9.

[3] July 4th 1776

[4]August 26th 1789

[5] Declaration of Independance, 1777, https://www.state.gov/wp-content/uploads/2020/02/French-translation-U.S.-Declaration-of-Independence.pdf

[6] 1865

[7] From 1875 to 1964

[8]  2010, The New Press

[9] 1948

[10] Wretched of the Earth, Grove Press, 1963.