La Fondation Frantz Fanon dénonce les tentatives de déni de justice dans la mort criminelle du jeune Souheil. En 2021, Souheil est abattu pour refus d’obtempérer. Pour obtenir justice, l’avocat demande l’accès aux vidéos : les fichiers sont corrompus ou absents ; il demande des actes au juge d’instruction : refus systématique ; la famille, de son côté, ne cesse de demander une reconstitution de la scène : refus systématique. En juin 2025, la famille de Souheil est informée que des pièces à conviction, dont des vidéos, ont disparu. Or, pour Issam, père de Souheil, la reconstitution est « La seule [méthode] qui aurait permis de déterminer la position du policier et donc de savoir si les conditions d’absolue nécessité et de proportionnalité au moment du tir étaient réunies ».
Plusieurs hypothèses face à ce déni de justice :
- les instances de pouvoir savent qu’une grave erreur a été commise mais elles protègent les responsables de ce crime ; ce n’est pas la première fois et c’est même assez courant. Protéger le système est devenu le mantra du système libéral raciste
- la pugnacité de la famille, entre autres par la mise en place d’une campagne nationale contre l’article de loi L.435-1 « offrant » aux forces de l’ordre la possibilité d’utiliser leur arme de service dès lors que quelqu’un essaie de résister ou de tenter de s’échapper lors d’un ordre d’obtempérer, dérange l’ordre établi au point que le système préfère utiliser des subterfuges dont la perte d’éléments qui devraient servir de preuve indispensables à l’établissement des faits et de la vérité, seul garant d’une justice équitable.
Or, cette disparition de preuves n’est qu’une entrave à la justice et constitue bien un déni de justice à un tel niveau qu’on peut se demander s’il ne faut pas interroger la responsabilité pénale des ministres de la justice et de l’intérieur en introduisant une procédure de saisine à la Cour de justice de la république. Ces deux ministres sont bien responsables des dysfonctionnements des institutions qu’ils représentent.
On ne peut s’empêcher de penser aux assassinats politiques, entre autres celui de Medhi Ben Barka, pour lequel la majorité des preuves irréfutables ont été supprimées ou disparu des dossiers. L’affaire de Souheil El Khalfaoui est devenue une affaire d’Etat car aussi bien la justice que la police, en tant qu’éléments de contention du système capitaliste raciste, sont directement concernées par des actes qui refusent aux damnés racisés l’accès à une justice digne et humaine et à réparation. Non seulement ces deux entités assument la répression des mouvements sociaux et de toute expression s’opposant à leurs dérives mais elles servent de courroie de facilitation au système de domination.
Ce n’est pas le seul cas en France, ce n’est pas le seul cas dans des pays se targuant d’être des parangons de démocratie. Ainsi aux Etats Unis, dans l’affaire de Mumia Abu Jamal, en décembre 2018, six boîtes d’archives ont été retrouvées dans les bureaux du procureur de Philadelphie. Parmi les pièces auxquelles ses avocats ont eu accès, une lettre manuscrite de Robert Chobert – à l’époque du procès en 1982, unique témoin à charge – dans laquelle il rappelle au procureur de ne pas oublier de le payer. Ce n’est pas tout. Ont aussi été retrouvées des notes prises au moment de la sélection des jurés. Sur la fiche de chaque juré noir, le procureur avait inscrit en lettres majuscules un B pour Black. Pendant la sélection, il récusera quasiment tous les jurés noirs. Mumia sera jugé par un jury principalement blanc. Malgré ces nouveaux éléments, en octobre 2022, Mumia s’est vu refuser une réparation ou le droit à un nouveau procès, sur la base de preuves que d’autres accusés ont réussi à obtenir. Lorsque le système libéral et raciste dicte la justice, il n’y a aucun espace pour la vérité. Une justice principalement à double vitesse pour l’ensemble des damnés dès lors qu’il s’agit de corps noirs et/ou arabes. Une justice raciste et de classe.
Lien de la conférence de presse :